Ces algues si précieuses

Ces algues si précieuses

Alors que les algues pourrissent la vie des habitants des littoraux des Antilles, en Bretagne, c’est une attention particulière qui leur est accordée. Pour les habitants de cette région, les algues sont devenues un atout. Aux Antilles, on parle d’échouements massifs d’algues sargasses. Tandis qu’en Bretagne, il est question d’algues alimentaires récoltées délicatement. Pas arrachées, mais collectées à l’aide de ciseaux ou de couteaux bien affûtés pour les trancher d’un coup. D’ailleurs la récolte est réglementée suivant qu’on soit professionnel (algoculteur) ou particulier. La collecte de loisirs ne permet d’en prélever qu’une poignée. Objectif : les valoriser, les transformer pour un usage alimentaire tout en préservant la ressource. C’est une filière authentique et les membres du Collectif Algues Outre Rade Pays de Lorient (CA.OR) ont décidé de la soutenir.

Association de fait au départ, le CA.OR est devenu une association collégiale, à ne pas confondre avec une association classique régie par la loi de 1901. L’association collégiale s’écarte du schéma associatif habituel avec un bureau composé d’un secrétaire, d’un trésorier et d’un président, élus par une assemblée générale ou un conseil d’administration. Elle adopte plutôt un exécutif collégial qui met les membres à égalité et les incitent à s’impliquer davantage.

Une Guadeloupéenne passionnée des algues

Le CA.OR est pour l’instant administré par Marie-Line Théophile, gestionnaire de projets, une Guadeloupéenne installée dans la commune de Locmiquélic, le long de la rade de Lorient dans le sud du Morbihan.

Originaire de Trois-Rivières, elle est arrivée en région parisienne avec ses parents dès l’âge de 5 ans et y a passé toute sa vie. Elle a été conseillère municipale de Pantin (Seine-Saint-Denis). Elle est fondatrice du Centre culturel guadeloupéen, qu’elle envisage de transformer en Centre culturel caribéen. Cette orientation devrait favoriser une ouverture vers d’autres horizons, dans l’esprit des alliances que nombre d’associations de ressortissants des Outre-mer tissent avec la Bretagne et d’autres régions françaises.

C’est dans le cadre de la préparation d’un Master européen Recherche et Formation des adultes, qu’elle s’est retrouvée dans l’ouest de la France. Son intérêt portait sur les récoltants à pied d’algues de rive, parmi lesquels on trouvait des professionnels et des employés saisonniers précaires. C’est donc naturellement qu’elle a orienté son sujet de mémoire sur la professionnalisation des récoltants d’algues de rive.

Des sorties loisirs encadrées

Dans un premier temps, les activités de l’association se limitaient à des sorties informelles, avant qu’elles ne soient structurées.

Ce sont des sorties loisirs ouvertes à tous qui permettent de découvrir cette activité. C’est ce que Marie-Line Théophile a expliqué aux visiteurs du stand qu’elle a installé, samedi dernier (4 juin 2022), dans le cadre des Rendez-vous de la Maison des associations, programmés de 14 heures à 18 h 30, au Parc Jules-Ferry, dans le centre-ville de Lorient. Elle y sera de nouveau le 25 juin aux mêmes horaires, pour ceux qui n’ont pas pu en profiter. En attendant, ils peuvent s’inscrire aux deux prochaines sorties qui auront lieu les 15 et 16 juin.

« Nous travaillons avec le calendrier annuel des marées et, en fonction des marées basses et de leur coefficient, nous programmons nos sorties. Nous demandons aux gens de venir une heure avant l’heure annoncée de la marée basse. Nous leur expliquons que les algues ne s’arrachent pas, mais se découpent. On se sert aussi d’un guide de bonnes pratiques, puisqu’on est en fin de compte dans le domaine de l’écologie, du développement durable. Nous agissons dans le cadre des loisirs, sur la base d’une réglementation spécifique, à l’inverse des récoltants professionnels. Nous devons veiller à la biomasse. Nous nous adressons à un public large, intergénérationnel. Les participants doivent s’inscrire en allant sur helloasso.com. Pour les personnes qui ne sont pas usagers de ces outils modernes, une adhésion papier est disponible. » Contact : 06 49 04 74 26

Une fois sur site, les participants peuvent découvrir les différentes variétés d’algues, et les reconnaître en fonction de leur couleur : brune, tel que le ficus ; verte comme la laitue de mer ou encore rouge, tel que le nori, une algue très fine semblable à de la soie, que les Japonnais affectionnent tout particulièrement.

Des ateliers culinaires très instructifs

Après les sorties, le CA.OR a jouté, à la demande de ses adhérents, des ateliers culinaires chez l’habitant.

« C’est là qu’on peut apprendre à préparer le tartare d’algues, à réaliser des plats chauds avec le kombu breton, variété d’algues très intéressante pour les Antillais friands de légumineuses. Ils peuvent utiliser cette algue pour diminuer de moitié le temps de cuisson des haricots rouges très consommés dans la Caraïbe. Vous mangez les algues avec les haricots. Un plat extraordinaire. »

Ces algues sont une vraie manne pour le sud de la Bretagne, où sont déjà produits du fromage aux algues, de la bière aux algues, etc.

Préparation du tartare d'algues
Pour préparer du tartare d’algues, vous aurez besoin de citron et d’huile d’olive. Étape 1 : découper les algues en petits morceaux, y ajouter, selon ses goûts, du poivre, du curcuma, etc. Étape 2 : mettre les miettes d’algues dans un bocal, puis y ajouter du jus de citron, qui permettra de les cuire. Étape 3 : recouvrir entièrement d’huile d’olive. Étape 4 : laisser macérer pendant 48 heures.

Le CA.OR développe donc ces activités pas à pas avec le soutien de différents partenaires, à l’exemple de la Maison de la Mer, qui l’invite à participer à la Fête de la science, chaque année depuis 2018.

« La plus importante ressource encore inexploitée au monde », selon Vincent Doumeizeil

Des personnalités ont également largement renforcé l’intérêt que Marie-Line Théophile porte aux algues et encouragé son engagement au sein du Collectif Algues Outre Rade. Scarlette Le Corre, première femme marin-pêcheur du Finistère et désormais algocultrice, en est une.

Cette professionnelle fait partie de ceux qui ont compris que les algues avaient une réelle valeur marchande. Elle en produit cinq tonnes. C’est d’ailleurs un produit coté sur le marché international. Considéré comme un produit de luxe, il devrait se démocratiser dans les décennies à venir. Alors, les algues, nouveau filon économique dans un contexte de renouvellement des habitudes alimentaires ? Certains y croient. Vincent Doumeizeil, directeur agro-alimentaire à la
Fondation Lloyd’s Register et conseiller pour les océans au Pacte mondial des Nations unies, en fait partie. Dans son ouvrage La Révolution des algues, il fait un large tour d’horizon du sujet. Selon lui :

« Si nous apprenions à les cultiver de façon durable, elles pourraient nourrir les hommes, se substituer au plastique, décarboner l’économie, refroidir l’atmosphère, nettoyer les océans, reconstruire les écosystèmes marins, nous soigner et fournir des revenus aux populations côtières.
Les algues constituent sans doute la plus importante ressource encore inexploitée au monde. » 

2 Commentaires

  1. Merci pour cet article très complet dans lequel je retrouve les infos transmises par Mare-Line Théophile lors de l’atelier de samedi, notamment la recette du tartare aux algues. Vivement une sortie sur l’estran pour en apprendre davantage !

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