
Les 27 députés des Outre-mer sont connus. Ils ont été élus samedi 18 et dimanche 19 juin 2022. Parmi eux se trouvent 17 nouveaux. Le premier à avoir eu la certitude d’être élu, c’est Élie Califer, dans la quatrième circonscription de Guadeloupe. Marie-Luce Penchard, ancienne ministre des Outre-Mer, de 2009 à 2012, sous la présidence de Nicolas Sarkozy, lui a offert la victoire sans combattre. Qualifiée au premier tour avec 19,88 % des suffrages, la deuxième vice-présidente de la Région, ancien maire de Basse-Terre, a finalement jeté l’éponge. L’annonce du retrait de sa candidature a été faite par voie de communiqué de presse très critique, dès mardi 14 juin. « Par respect pour les valeurs qui sont à l’origine de mon engagement politique et surtout de ma volonté de faire la politique autrement (…) dans ce monde où règnent trop de faux-semblants, d’insincérité, de calculs personnels au détriment, bien souvent, de l’intérêt général », a-t-elle écrit, laissant ainsi orphelins ses 3 154 électeurs, sans préciser à qui s’adressaient ses critiques.
Les Polynésiens envoient trois indépendantistes au Palais Bourbon
L’autre fait marquant de ces élections c’est le triomphe des indépendantiste en Polynésie française. Ils remportent les trois circonscriptions et fournissent à la France son plus jeune député, en personne de Tématai Le Gayic (21 ans), qui a battu l’ancienne ministre du Tourisme de la Polynésie française, Nicole Bouteau, investie par Ensemble. On n’ose pas imaginer qu’avec ce résultat et ceux des Antilles et de la Guyane, juste après le désaveu de l’élection présidentielle, Emmanuel Macron ne prenne pas en compte ce phénomène de rejet et ne reconsidère pas sa politique dans les collectivités d’Outre-mer d’une manière générale.
Découvrez notre tour d’horizon des résultats commentés des dix territoires ultramarins, dont les intérêts pourraient être défendus par un groupe Outre-mer si quinze députés parviennent à se mettre d’accord. En 2017, ils avaient manqué l’occasion de le faire. Avec l’expérience et la volonté, ce défi peut être relevé pour l’intérêt général.
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• GUADELOUPE : Justine Bénin paie sa proximité avec Emmanuel Macron
• MARTINIQUE : le mouvement Gran sanblé d’Alfred Marie-Jeanne prend quatre gifles
• GUYANE : deux nouveaux députés très à gauche
• SAINT-BARTHÉLEMY/SAINT-MARTIN : vote en faveur de la majorité présidentielle
• SAINT-PIERRE-ET-MIQUELON : Stéphane Lenormand pour 19 voix de plus
• LA RÉUNION : une belle place aux femmes
• MAYOTTE : une femme de poigne au Palais Bourbon
• POLYNÉSIE FRANÇAISE : succès total pour le parti indépendantiste Tavini
• NOUVELLE-CALÉDONIE : les candidats Ensemble largement vainqueurs
• WALLIS-ET-FUTUNA : Mikaele Seo force le destin
• LISTE DES 577 DÉPUTÉS DE LA NATION
GUADELOUPE : Justine Bénin paie sa proximité avec Emmanuel Macron
Dans les trois circonscriptions où le suspense régnait encore, les électeurs guadeloupéens ont fait le choix de reconduire deux des trois députés sortants. La secrétaire d’État à la Mer, Justine Bénin, candidate dans la deuxième circoncription, a raté son pari, sans doute à cause de sa trop grande proximité avec Emmanuel Macron. Cette défaite de Justine Bénin est un nouveau signe de rejet de la politique gouvernementale, après les camouflets des deux tours de la présidentielle. Justine Bénin devrait perdre son poste de ministre de La Mer, sauf traitement particulier. Les quatre députés guadeloupéens sont tous de gauche.

Circonscription 1
Olivier Serva est réélu avec 74,04 % des suffrages devant Dominique Biras (25,96 %), le candidat du puissant maire des Abymes, Eric Jalton. Cette défaite du camp jaltonien pourrait laisser des traces au sein de la majorité municipale qui avait trois candidats au premier tour.
Circonscription 2
Christian Baptiste est élu avec 58,65 % des suffrages, battant ainsi la nouvelle secrétaire d’État à la Mer, députée sortante, Justine Bénin. Il bénéficie de ce phénomène de rejet de la politique d’Emmanuel, exprimé à la présidentielle.


Circonscription 3
Max Mathiasin est réélu avec 52,12 %. Une courte victoire face au candidat du Rassemblement national, Rody Tolassy (47,88 %) qui a fait une belle percée. Comme en 2017, le député sortant était arrivé en 2e position au premier tour, mais a réussi à renverser la donne malgré une très grosse campagne du RN.
Circonscription 4
Elie Califer est élu avec 100 % des suffrages. Le maire de Saint-Claude, apparenté socialiste, était seul en lice après le forfait de l’ancienne ministre des Outre-mer, Marie-Luce Penchard. Il obtient 10 633 voix, améliorant ainsi son score du premier tour (6 125 voix), malgré un taux d’abstention plus important qu’au premier tour (81,69 % contre 75,04 %)

MARTINIQUE : le mouvement Gran sanblé d’Alfred Marie-Jeanne prend quatre gifles
Les régionalistes martiniquais seront en force à l’Assemblée nationale, en particulier ceux de mouvement Péyi-a, qui prend le dessus sur son grand rival Gran sanblé pou Matnik. Les quatre députés soutenus par le mouvement de l’indépendantiste Alfred Marie-Jeanne ont tous perdu.

Circonscription 1
Jiovanny William (divers gauche) élu avec 11 336 suffrages (62,9 %), c’est une surprise. Le suppléant de la député sortante Josette Manin (qui ne se représentait pas) a devancé l’ancien député (2003-2007) Philippe Edmond-Mariette (régionaliste, Gran Sanblé pou Matnik) qui était arrivé en tête au premier tour avec 496 voix d’avance.
Circonscription 2
Marcellin Nadeau (régionaliste, Péyi-a) est élu avec 63,5 % des suffrages. Le maire du Prêcheur gagne dans 15 des 17 communes de la circonscription. Il devance son homologue du Lorrain, Justin Pamphile (régionaliste, Gran sanblé pou Matnik), qui ne s’est imposé que dans sa commune et à Macouba.


Circonscription 3
Johnny Hajjar (divers gauche, Alyans Matnik) est élu dans la circonscription du chef-lieu, Fort-de-France, dont il est adjoint au maire. Il devance le candidat de Gran sanblé pou Matnik, Francis Carole. Johnny Hajjar succède à Serge Letchimy qui ne se représentait pour cause de cumul de mandat.
Circonscription 4
Jean-Philippe Nilor (régionaliste du mouvement Péyi-a) est réélu avec 15 329 voix (71,4 %). C’est sa troisième mandature consécutive à seulement 57 ans. Il devance de plus de 9 000 voix, le vieux renard (85 ans) Alfred Marie-Jeanne (régionaliste, Gran sanblé pou Matnik). Après sa défaite aux élections territoriales, c’était peut-être le dernier combat de Chaben comme on le surnomme. Mais il a déjà tellement fait pour tenter de « désencailler » son pays…

GUYANE : deux nouveaux députés très à gauche
Les Guyanais affichent une vraie volonté d’émancipation depuis le mouvement social de mars-avril 2017 et ils l’expriment dans les urnes. Le second tour de ces élections a sanctionné le seul représentant de la majorité présidentielle en lice, le député sortant Lénaïck Adam. Ils ont fait le choix d’envoyer à l’Assemblée nationale deux députés très actifs dans les actions revendiquant davantage de pouvoirs domiciliés sur les terres guyanaises et une prise en compte des spécificités de ce territoire si riche, mais si peu valorisé.

Circonscription 1
Jean-Victor Castor (régionaliste, Mouvement de décolonisation et d’émancipation sociale) est élu avec 56,53 %. Il s’octroie le siège laissé vacant par Gabrielle Serville, président depuis juin 2021, de la collectivité territoriale de Guyane. Il devance Yvane Goua (régionaliste), porte-parole de l’association Trop Violans’.
Circonscription 2
Davy Rimane (divers gauche, soutenu par la France insoumise), 42 ans, est élu. Il bat le député sortant soutenu par Ensemble, Lénaïck Adam, qui l’avait battu en 2017. Il est arrivé sur la scène politique à la suite du mouvement social de mars-avril 2017, à la tête du collectif Pou Lagwiyann dékolé (Pour que la Guyane décolle).

SAINT-BARTHÉLEMY/SAINT-MARTIN : vote en faveur de la majorité présidentielle
La circonscription unique réunissant les îles de Saint-Martin et de Saint-Barthélemy a désormais comme député Franz Gumbs. L’ancien président de la collectivité de Saint-Martin, dorénavant vice-président, s’est imposé face à son rival, Daniel Gibbs, également ancien président de cette collectivité, jusqu’à sa défaite aux élections territoriales au profit de Louis Mussington. 159 voix séparent les deux hommes. C’est largement suffisant pour permettre à la majorité présidentielle de bénéficier d’un député ultramarin dans ses rangs. Frantz Gumbs succède à Claire Guion-Firmin née Javois, députée sortante (apparentée Les Républicains), qui a été éliminée dès le premier tour avec seulement 6,5 % des voix.

Circonscription unique
Franz Gumbs (divers centre, soutenu par Ensemble) est élu avec 54,2 % des suffrages, après avoir fait le plein des voix à Saint-Martin. De son côté, son adversaire, Daniel Gibbs (divers droite), arrive en tête à Saint-Barthélemy, qui compte moins d’électeurs.
SAINT-PIERRE-ET-MIQUELON : Stéphane Lenormand pour 19 voix de plus
Entre le camp d’Emmanuel Macron et celui de Jean-Luc Mélenchon, le cœur des électeurs de Saint-Pierre-et-Miquelon balance. Pour preuve, le résultat très serré entre les deux candidats qualifiés pour ce second tour : Stephane Lenormand, soutenu par Ensemble et Olivier Gaston, candidat de la Nouvelle union populaire, écologique et sociale. Stéphane Lenormand succède à Stéphane Claireaux, qui ne se représentait après deux mandats. Ce dernier avait été le suppléant d’Annick Girardin et l’avait remplacée à deux reprises en 2014 (élection partielle) et en 2017, après qu’elle a été nommée au gouvernement sous François Hollande, puis sous Emmanuel Macron.

Circonscription unique
Stéphane Lenormand (divers droite) est élu avec seulement 50,36 % des suffrages contre 49,64 % à son adversaire, Olivier Gaston (divers gauche). 1 329 contre 1 310, rien que 19 voix de différence. La participation est extrêmement faible (55,95 %) par rapport à 2017 (75,35 %)
LA RÉUNION : une belle place aux femmes
Les électeurs réunionnais ont élus six députés de gauche sur sept. Parmi, alors eux trois femmes ont su tirer leur épingle du jeu, alors que dans les autres territoires (à l’exception de Mayotte) les femmes sont absentes.
Circonscription 1
Philippe Naillet, député sortant (divers gauche) est réélu avec 60,68 % des suffrages exprimés. Il devance Jean-Jacques Morel (divers droite). Philippe Naillet, 62 ans, entame son deuxième mandat.


Circonscription 2
Karine Lebon (divers gauche) a été réélue, avec un gros score de 69,39 %. Deux ans après son arrivée au Palais Bourbon, à la suite de l’élection partielle de 2020, elle conforte sa position avec brio, aux dépens d’Audrey Fontaine (UDI).
Circonscription 3
Nathalie Bassire (divers droite) est réélue avec 51,87 % des suffrages, face un autre candidat divers droite, Patrice Thien-Ah-Koon (48,13 %). Elle entame son deuxième mandat. Elle est apparentée Les Républicains.


Circonscription 4
Emeline K-Bidi (divers gauche) est élue avec 61,33 % des suffrages exprimés face au député sortant, David Lorion. Elle avait annoncé déposer plainte, deux jours avant le scrutin, pour fraude électorale observée au premier tour. Visiblement, cela ne l’a pas gêné.
Circonscription 5
Jean-Hugues Ratenon (divers gauche) est réélu facilement avec 62,81 % des voix aux dépens de Ridwane Issa (divers gauche). Jean-Hugues Ratenon, 54 ans, débute son deuxième mandat de parlementaire.


Circonscription 6
Frédéric Maillot (divers gauche), soutenu par la NUPES est élu. Il succède à Nadia Ramassamy (Les Républicains) qui a été éliminée au premier tour.
Circonscription 7
Gaillard Perceval (divers gauche) est élu avec 51,24 % des suffrages exprimés. Sans être exceptionnelle , son avance est confortable. Thierry Robert, son adversaire, a été devancé de près de 900 voix.

MAYOTTE : une femme de poigne au Palais Bourbon
La surprise de ces législatives est venue d’une femme. Estelle Youssouffa se présentait pour la première fois à une élection et elle s’est imposée largement en réunissant sur son nom deux fois plus de voix que son adversaire, Théophane Nayaranin.

Circonscription 1
Estelle Youssouffa (divers) est élue avec 66,2 % devant Théophane Nayaranin (33,8 %). L’ancienne journaliste avait été découverte à la tête du Collectif des citoyens, lors des manifestions contre l’insécurité en mars 2018. Elle est réputée pour son franc-parler et sa fermeté, ce qui promet à l’Assemblée nationale.
Circonscription 2
Mansour Kamardine (Les Républicains) est réélu après une rude bataille face à Issa Issa Abdou (divers centre). Les Mayorais font confiance à Mansour Kamardine à 59,24 %.

POLYNÉSIE FRANÇAISE : succès total pour le parti indépendantiste Tavini
Les électeurs polynésiens avaient droit, dans chacune des trois circonscriptions, à trois duels opposant les deux forces politiques de l’archipel : le parti autonomiste au pouvoir d’Edouard Fritch, le Taparu, proche d’Emmanuel Macron, et le parti indépendantiste d’Oscar Témaru, le Tavini. C’est ce dernier s’est imposé en remportant les trois circonscriptions.

Circonscription 1
Tématai Le Gayic est élu avec 50,9 % aux dépens de l’ancienne ministre de la Polynésie française, Nicole Bouteau (41,9 %), arrivée pourtant très largement en tête lors du premier tour. À 21 ans, il devient le plus jeune député de France. Il succède à Maïna Sage qui ne se représentait pas.
Circonscription 2
Steve Chailloux est élu avec 54,6 % des suffrages contre 45,4 % obtenus par son adversaire Tepuaraurii Teriitahi. La députée sortante Nicole Sanquier avait été éliminée dès le premier tour.


Circonscription 3
Moetai Brotherson est réélu très largement avec 62,9 % au détriment de Tuterai Tumahai (47,5 %), qui était seulement à 2,22 % de retard au premier tour. Le candidat soutenu par Ensemble n’a pas résisté à la vague indépendantiste.
NOUVELLE-CALÉDONIE : Les candidats Ensemble largement vainqueurs
Les Calédonniens ont, contrairement à leurs voisins de la Polynésie, envoyé les deux candidats de la majorité présidentielle au Palais Bourbon, avec des scores très larges dans un contexte toujours pesant d’opposition entre les communes à dominante indépendantiste et celles favorables à la présence française. Comme lors des élections pour l’indépendance, le peuple autochtone mélaniésien, Kanak, se fait souffler la victoire par le camp des pro-Français, essentiellement les Caldoches, d’origine européenne. Déjà en tête, à l’issue du premier tour, les deux candidats d’Ensemble, Philippe Dunoyer et Nicolas Metzdorf ont conforté leur position, avec des scores dépassant 70 % de suffrages voire 90 % dans certaines communes. Deux députés favorables au président Macron, mais le clivage entre les deux communautés rivales reste d’actualité.

Circonscription 1
Philippe Dunoyer est réélu avec 86,18 % dans la circonscription de Nouméa, essentiellement grâce à la capitale Nouméa, la seule des cinq communes à l’avoir placé en tête. Son adversaire Walisaune Wahetra obtient 73,33 % des voix à l’Ile des Pins et plus de 90 % dans les trois communes des Loyauté (Maré, Ouvéa et Lifou) mais cela n’a pas suffit.
Circonscription 2
Nicolas Metzdorf est élu avec 55,55 % grâce à ses gros scores dans les communes du Grand Nouméa et dans celles à vocation agricoles de l’Ouest. Gérard Reigner peut lui se satisfaire d’avoir réalisé plus de 90 % dans plusieurs communes de la côte Est, favorables au mouvement indépendantiste. Nicolas Metzdorf succède à Philippe Gomès, qui ne se représentait après avoir été condamné pour prise illégale d’intérêt dans un dossier concernant Nouvelle-Calédonie Énergie.

WALLIS-ET-FUTUNA : Mikaele Seo force le destin
Les électeurs de la circonscription unique de Wallis-et-Futuna devaient départager deux candidfats qui se réclamaient tous deux de la majorité présidentielle. Autant dire que leur choix était limité, particulièrement ceux qui n’avaient pas voté Emmanuel Macron à la présentielle. La majorité des électeurs a finalement choisi Mikaele Seo, qui était déjà arrivé en tête au premier tour avec 16,91 % des suffrages, suivi de près de Etuato Mulikiha’amea qui lui a obtenu 14.55 % des suffrages. Le résultat de ce deuxième est tout aussi serré : 50,11 % contre 49,89 %

Circonscription unique
Mikaele Seo est élu au terme d’un scrutin très serré, comme au premier tour. Il devance son adversaire, Etuato Mulikiha’amea, de 16 voix seulement. Le nouveau député, âgé de 51 ans, est agent d’entretien dans un collège.
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