
Combien de fois a-t-on entendu parler de prise d’otage s’agissant de l’exercice du droit de grève ? C’est pratiquement systématique quand il s’agit de mouvement social impactant directement la population. Les premières victimes sont généralement les usagers des transports restés à quai et les automobilistes bloqués par des barrages routiers et des stations-service (quand ils ne peuvent pas se mettre en télétravail). Les familles privées de courant ou d’eau potable et les parents contraints se débrouiller pour trouver à garder leurs enfants pour cause de fermeture d’école, ne sont pas non plus épargnés.
Pas tous égaux devant la grève
Tant en France d’Europe qu’en France d’Outre-mer, chacun a eu l’occasion de pester contre des grévistes pour une raison ou pour une autre. Dans les îles de l’Outre-mer, petits territoires au réseau routier limité, c’est particulièrement vrai, tant les itinéraires de délestage sont rares. Et quand ils existent, ils finissent toujours par déboucher sur une route bloquée ou une impasse qui conduit à une partie excentrée du territoire, voire au rivage.
Dans l’Hexagone, c’est différent, ce sont les voyageurs du réseau ferroviaire qui souffrent le plus des conflits sociaux, notamment au moment de partir en vacances. Au mois de décembre, la grève des contrôleurs de la SNCF a empêché à nombre de familles de se retrouver pour les fêtes de Noël, en raison de l’annulation de plusieurs trains. Les contrôleurs pouvaient-ils mener leur grève autrement qu’en pénalisant les voyageurs ? Probablement !
Au service des usagers ?
Une des idées qui avaient été émises par certains commentateurs de l’actualité à l’adresse des contrôleurs grévistes consistait à ne pas contrôler les voyageurs. Cela tout en restant à leur poste (avec un brassard « gréviste », comme le font les pompiers) ou de ne pas infliger d’amende à ceux qui n’étaient pas en mesure de présenter un titre de transport conforme. Cette possibilité n’a pas été retenue et les conséquences ont été des retards ou des annulations de train. La direction de la SNCF a alors proposé pour apaiser les usagers de leur rembourser leur billet et de leur offrir une compensation de 200 % du billet en bons d’achat. À cet effet, ceux qui sont concernés ont jusqu’au 31 mai 2023 pour en faire la demande.
Les travailleurs de l’énergie montrent l’exemple
Quoi qu’il en soit, la réflexion sur de nouvelles méthodes d’action de grève se poursuit. Les travailleurs de l’énergie ont d’ailleurs montré l’exemple en ce début d’année 2023. Ils n’ont pas en procédé à des délestages sur le réseau de distribution électrique, comme ce fut le cas en Guadeloupe en décembre dernier, mais ils ont distribué gratuitement cette énergie aux familles les plus modestes et aux entreprises. Une aubaine pour tous ces usagers qui ont accueilli cette grève comme un cadeau du ciel posé sur leurs factures, dans un contexte de crise énergétique. C’est un cas exceptionnel, mais qui pourrait faire des émules dans les prochaines années.
L’appel à la justice plutôt qu’à la grève
D’autres méthodes existent encore. Ni manifestations dans les rues, ni barrages des routes, ni fermetures des écoles et des cantines scolaires, ni blocages des entreprises et des mairies… uniquement la voix judiciaire. C’est le choix qu’a fait un syndicat en Guadeloupe, la CFTC Territoriaux. Son secrétaire général, Mario Varo mène la vie dure aux collectivités locales en saisissant régulièrement le tribunal administratif ou en multipliant les recours gracieux. Et souvent ça marche. Il laisse le soin aux autres syndicats, notamment l’UGTG et la CGTG, le soin de mener des actions fortes et généralement impopulaires, quand il se sert de la loi pour agir. Un choix assumé. Évidemment, il ne fait pas l’unanimité, tant il est critiqué pour son approche relationnelle parfois au sein même de son syndicat que pour ses prises de position contre les autres organisations.
Inventer de nouvelles formes de grève
Ces méthodes qui changent des plus traditionnelles ont leur clientèle, mais, pour l’instant, elles restent confidentielles. Elles devraient progresser dans la réflexion des organisations syndicales en quête d’un nouveau souffle. Ce qui est certain, c’est que les manifestations populaires ont encore de beaux jours à vivre. On le voit en ce début d’année 2023, avec les appels à la grève contre le projet de réforme de la retraite.
Grève bon enfant : pour quel résultat ?
Comme les deux précédentes mobilisations des 19 et 31 janvier, la mobilisation de ce mardi 7 février, a encore été un succès retentissant, même si on relève ici ou là un phénomène de lassitude. Tant que le dialogue social restera bloqué par les ambitions et les objectifs politiques, tant du côté du pouvoir que de certaines organisations syndicales, le mécontentement continuera donc de s’exprimer dans la rue. Toutefois, cette méthode ne sera populaire que lorsqu’il s’agira de défendre, sans débordements violents de surcroît — de grandes causes qui fédèrent toutes les corporations, toutes les tranches de la population. Pour les mouvements concertant un seul secteur d’activité, il faudra inventer de nouvelles formes d’action, si on veut se faire entendre et en même temps bien se faire voir.
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