
Barrer la route à Emmanuel Macron, à l’occasion du second tour de l’élection présidentielle, sans risque que Marine Le Pen soit une présidente toute puissante, c’est possible grâce aux élections législatives. C’est aussi valable dans l’autre sens. Tout peut se jouer dans deux mois, les 12 et 19 juin 2022.
Au soir du dimanche 24 avril 2022, on saura qui de Marine Le Pen ou d’Emmanuel qui remportera l’élection présidentielle, mais tout de suite, il faudra se tourner vers les législatives. Durant cette dernière semaine de campagne, la pression se fait de plus en plus forte sur les électeurs quant à leur tentation de porter au pouvoir suprême la patronne du Rassemblement national. Il est reproché à cette dernière de vouloir diviser les Français et on lui prête une certaine amitié avec le président de Russie, Vladimir Poutine, qui a lancé cette effroyable guerre en Ukraine. Le jour de l’élection, cela fera déjà 60 jours que ça dure.
Malgré les critiques et le retard dans les sondages, la possibilité pour la candidate du Rassemblement national de gagner est réelle. C’est bien connu, tant que l’arbitre n’a pas sifflé la fin du match — surtout s’il est serré — on ne peut pas savoir le nom du vainqueur. Et cette perspective de victoire de Marine Le Pen semble effrayer certains citoyens. À tel point qu’ils oublient que le véritable rendez-vous du pouvoir politique français se jouera dans deux mois, à l’occasion des élections législatives, les 12 et 19 juin 2022.
Les institutions en garde-fous
Il n’y a pourtant pas de raison d’avoir cette crainte, exprimée surtout par les adversaires du RN. En réalité, même si Marine Le Pen parvient à remporter cette élection présidentielle, aura-t-elle vraiment les moyens de sa politique ?
Il ne faut pas oublier, en effet, que la France a des institutions. La République fonctionne sous un régime mixte qui réunit les caractéristiques du régime présidentiel et du régime parlementaire. Sans une majorité à l’Assemblée nationale, il n’y aucune chance qu’elle puisse mettre totalement en place sa politique.
C’est donc lors des élections législatives que se jouera vraiment le destin de la France.
Tous les partis qui ont échoué au premier tour de l’élection présidentielle peuvent encore rebondir à cette occasion et cela, quel que soit le président qui sera élu le dimanche 24 avril 2022. Il peut donc bien y avoir une cohabitation comme la France l’a déjà connue, même si c’était en cours de mandat.
De surcroît, l’actuelle majorité du Sénat n’est pas favorable au RN, ce qui mettrait une épine supplémentaire au pied de Marine Le Pen.
Beaucoup de bruit pour peut-être rien
Avec une élection de Marine Le Pen à la présidence, le risque est donc de subir une cohabitation, si le RN et ses (éventuels) alliés ne gagnent pas les législatives, dans la foulée. Actuellement, le RN ne compte que six députés à l’Assemblée nationale sur 577. Le retard à rattraper est considérable, mais avec une victoire ce dimanche, il peut y avoir un petit effet booster. Autrement dit, toute cette agitation autour d’une éventuelle élection de Marine Le Pen n’est que manipulation et utilisation excessive du mécanisme de défense psychologique naturel que constitue la peur du changement.
Par conséquent, rien n’empêche les électeurs français qui le souhaitent de voter contre Emmanuel Macron. Ils auront toujours la possibilité de contrôler les faits et gestes de leur présidente, en ne lui donnant pas la majorité à l’Assemblée nationale. C’est aussi valable si c’est Emmanuel Macron qui gagne. Ses adversaires malheureux du premier tour peuvent encore gagner la bataille des législatives. Nous pensons notamment aux partis de gauche s’ils réussissent des alliances locales, ce qu’ils n’ont pas pu faire au niveau national. Jean-Luc Mélencchon y pense déjà et se voit bien Premier ministre. Mais cette bataille des législatives est une autre paire de manche. Nous sommes tout juste à une présidentielle à l’issue incertaine que le débat de ce mercredi 20 avril peut clarifier.
Et si on changeait les règles lors de la prochaine mandature ?
Pour redonner du sens à cette élection présidentielle — et peut-être remotiver les abstentionnistes —, ne faudrait-il pas en revoir les règles ? Cela demande donc à sortir du régime mixte qui prévaut pour la Ve République et de passer à autre chose. Pourquoi pas un régime parlementaire, avec la mise en place d’un scrutin proportionnel plurinominal ; une élection de liste selon le modèle des élections municipales.
À l’issue de cette élection, l’assemblée élue désignerait un président et un vice-président ainsi que les ministres pour les accompagner. Cela aurait pour principal avantage de mettre fin à ce phénomène institutionnel qu’on appelle cohabitation ; temps durant lequel le président et le gouvernement sont de camps opposés. Cela éviterait également que les Français soient obligés de subir deux campagnes électorales nationales de suite, en moins de quatre mois, et de mettre la France dans une trop longue période d’instabilité pendant laquelle le pays n’est plus réellement gouverné.
Bien sûr, nous en sommes très loin. Même les élections législatives n’ont pas pu bénéficier d’une petite dose de proportionnel comme Emmanuel Macron l’avait promis en 2017, dans un tweet.
Il n’a pas tenu sa promesse, mais il promet d’aller encore plus loin cette fois-ci, en proposant la proportionnelle intégrale. L’avenir nous dira — à condition qu’il soit élu – si ce n’est, encore une fois, qu’une promesse.
Pour en savoir plus
Le programme d’Emmanuel Macron
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